Tout a là encore basculé dans les années 60, lorsqu’il est devenu interdit d’interdire et que s’est inversé le rapport entre le lien social et l’individu. A partir de ces années-là, l’individu en tant que tel devenait roi et on n’avait plus le droit de contraindre l’enfant à quoi que ce soit. Il ne fallait surtout plus utiliser la force mais la séduction.
Cette séduction repose sur une faille narcissique, alors que l’autorité (non violente) repose sur l’altérité.Il est certain que l’injonction de ne plus contraindre un enfant est un progrès, mais tomber dans la guimauve émotionnelle qui se manifeste par des « je t’aime mon chéri », « allez s’il te plaît mon cœur » ou « fais-le pour me faire plaisir », tiens de la prose amoureuse et du chantage et les conséquences de cette éducation dite de séduction a fait d’importants dégâts dont les méfaits ne se perçoivent que maintenant.
Autrefois, l’enfant répondait aux interdits et éventuellement à la menace physique, la honte etc. Ces méthodes qui confinaient à l’autoritarisme produisaient des enfants inhibés, voire névrosés. Mais aujourd’hui, alors qu’elles ont été remplacées par l’exhortation « montre-moi ce que tu sais faire » et la séduction est que le jour où l’enfant rencontre l’autre, tout seul, à l’école, au travail, il ne comprend pas que ça ne marche pas avec ses amis.
On l’aura tellement incité, poussé, félicité qu’il en aura oublier la présence et la reconnaissance de l’autre, sorte de nombrilisme aussi fatal que la première méthode, voire pire. Et du coup, la séduction pour éduquer tombe à l’eau, surtout si elle est excessivement utilisée pour construire l’enfant.
Dans le temps c’était : « c’est comme cela et pas autrement ». Il fallait que les enfants soient bien élevés et adaptables à la société. Désormais, on veut qu’ils soient épanouis. Mais personne ne connaît parfaitement les clefs de cet épanouissement. Il n’existe pas de mode d’emploi préfabriqué, il en résulte une génération de jeunes dont la valeur fondamentale est la réalisation de soi et non plus l’intégration dans la société et l’empathie envers l’autre.
Entre névrose et narcissisme il convient d’autoriser, de valoriser, tout en maintenant des limites nécessaires afin que l’enfant ne les découvre pas imposées violemment à l’âge adulte. Se réaliser soi-même passe par l’expérience de l’autre.
Sans souhaiter la sévérité de jadis, il faut tout de même stopper le narcissisme illimité que certains parents entretiennent à l’égard de leurs enfants.
C’est un des enjeux de ces prochaines décennies, respecter les enfants et leur apprendre le respect de l’autre, afin qu’ils comprennent que sans les autres ils ne sont rien !